Article - Téléphonie mobile : le Conseil de la concurrence sanctionne pour entente Orange France, SFR et Bouygues Télécom à hauteur de 534 millions d'euros

Le Conseil a sanctionné les trois opérateurs mobiles, Orange France, SFR et Bouygues Télécom pour avoir mis en œuvre deux types de pratiques d’entente ayant restreint le jeu de la concurrence sur le marché, révélées par une enquête réalisée à la suite d’une autosaisine du Conseil du 28 août 2001 et d’une saisine de l’UFC-Que Choisir du 22 février 2002.

Le montant total des sanctions prononcées est de 534 millions d’euros :

  • Orange France : 256 millions d’euros
  •  SFR : 220 millions d’euros
  •  Bouygues Télécom : 58 millions d’euros

Des échanges d’informations stratégiques portant sur les nouveaux abonnements et les résiliations

Les opérateurs mobiles ont échangé entre eux, de 1997 à 2003, tous les mois, des chiffres précis et confidentiels concernant les nouveaux abonnements qu’ils avaient vendus durant le mois écoulé, ainsi que le nombre de clients ayant résilié leur abonnement.

Le Conseil a considéré que, bien que ne portant pas sur les décisions de prix qu’ils avaient l’intention de prendre, ces échanges d’informations étaient de nature à réduire l’intensité de la concurrence sur le marché des mobiles pour plusieurs raisons :

  • D’une part, les opérateurs n’auraient pu disposer de ce type d’informations s’ils n’avaient pas procédé à ces échanges systématiques, dont ils prenaient d’ailleurs garde de ne pas révéler l’existence. On notera à cet égard que l’ARCEP n’a jamais publié ces informations, ne publiant qu’un indicateur agrégeant les nouvelles acquisitions et les résiliations, tous les mois jusqu’en 2000, puis seulement tous les trimestres à partir d’avril 2000.
  • D’autre part, il apparaît, au travers des différents comptes rendus des conseils de direction des trois opérateurs que l’évolution de ces indicateurs constituait une information très importante dont il était tenu compte pour orienter les stratégies commerciales.

Sur un marché où n’opèrent que trois acteurs et sur lequel l’entrée est très difficile, des échanges d’informations de ce type sont de nature à altérer le jeu de la concurrence, en réduisant l’incertitude sur la stratégie des autres acteurs et en diminuant l’autonomie commerciale de chaque entreprise, particulièrement lorsque - comme cela a été le cas sur le marché de la téléphonie mobile à partir de 2000 - la croissance de la demande se ralentit fortement.

En outre, le Conseil a constaté qu’à partir de 2000, ces échanges avaient permis aux opérateurs de surveiller l’accord qu’ils avaient conclu, par ailleurs, quant à l’évolution de leurs parts de marché respectives.

L’existence d’un accord entre 2000 et 2002 entre les trois opérateurs portant sur la stabilisation de leurs parts de marché autour d’objectifs définis en commun

Il a par ailleurs été constaté que les trois opérateurs se sont entendus afin de stabiliser l’évolution de leurs parts de marché entre 2000 et 2002.

L’existence d’une telle concertation a été établie grâce au recoupement de plusieurs indices graves, précis et concordants, tels que l’existence de documents manuscrits mentionnant de manière explicite un « accord » entre les trois opérateurs ou la « pacification du marché » ou encore le « Yalta des parts de marché » ainsi que des similitudes relevées au cours de cette période dans les politiques commerciales des opérateurs, notamment en matière de coûts d’acquisition et de tarification des communications. A cet égard, la saisine de l’UFC - Que Choisir a été motivée par l’observation d’un tel parallélisme, s’agissant du passage à une tarification par paliers de 30 secondes après une première minute indivisible, lequel a été opéré concomitamment par les trois opérateurs au début de l’année 2001.

Cette concertation s’est effectivement traduite par une relative stabilité, à moyen terme, des parts des trois opérateurs dans les ventes de nouveaux abonnements et a facilité le changement de stratégie qu’ils ont opéré à partir de 2000. Jusqu’alors, le développement des opérateurs mobiles s’était appuyé sur l’acquisition de parts de marché, au prix de dépenses d’acquisition élevées.

A partir de 2000, période qui coïncide avec la fin de la course à la part de marché, l’accent mis par les trois opérateurs, de manière concordante, sur la rentabilisation de la base de clientèle acquise, a notamment entraîné un relèvement des prix et l’adoption de mesures telles que la priorité donnée aux forfaits avec engagements contre les cartes prépayées ou l’instauration des paliers de 30 secondes après une première minute indivisible.

Ces mesures, défavorables au consommateur, présentaient le risque de provoquer une baisse des ventes (et donc des parts de marché) de l’opérateur qui se serait aventuré à les mettre en œuvre unilatéralement. L’intérêt de la concertation était donc de faciliter la mise en place de cette stratégie, en permettant aux trois opérateurs de s’assurer qu’ils poursuivaient simultanément la même politique et que leurs parts de marché relatives resteraient par conséquent stables.

Des pratiques particulièrement graves et un dommage à l’économie très important

  • Concernant la pratique d’échange d’informations Le Conseil a tenu compte de la durée des pratiques (de 1997 à 2003) et de la taille très importante du marché concerné. Il souligne que le dommage à l’économie causé par la pratique du fait de la création artificielle d’une structure de transparence préjudiciable à la libre concurrence, a varié dans le temps et qu’il a été plus important pour la période postérieure à 2000 que pour la période précédente. C’est en effet à partir de 2000 que l’échange, déjà en place, a permis de surveiller, de la part de chacun des trois opérateurs, la politique de pacification du marché menée par ces derniers au détriment des consommateurs.
  • Concernant la pratique d’entente sur les parts de marché Les ententes sur la répartition des marchés sont considérées par les autorités de concurrence, et notamment par le Conseil, comme étant injustifiables et donc parmi les plus graves. Le dommage à l’économie doit être apprécié au regard de la durée des pratiques, soit trois ans et de la taille très importante du marché concerné. Il y a lieu de relever également que l’entente s’est déroulée sur un marché fermé, l’activité d’opérateur mobile étant soumise à l’obtention d’une licence et aucun MVNO ne s’étant vu accorder l’accès au réseau des opérateurs sur la période en cause. Le Conseil a également tenu compte du fait que les dépenses de téléphonie mobile ont constitué depuis la fin des années 90, une dépense nouvelle pour les ménages, qui a pris dans leur budget une part non négligeable, et du fait que la concertation en cause a facilité la mise en place par les opérateurs de mesures défavorables aux consommateurs.

Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
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